vendredi 11 mai 2012

Hernst Haeckel, une fraude pour contrer le créationnisme.


Hernst Haeckel, une fraude pour contrer le créationnisme.


Hernst Haeckel (1834-1919) est un biologiste allemand et philosophe de la fin du XIXe siècle. Contemporain et admirateur de Charles Darwin, il a beaucoup contribué à la diffusion de la théorie de l'évolution. Il a encore mêlé biologie et sociologie, s'orientant vers l'eugénisme ou le darwinisme social.
Après avoir rencontré Charles Darwin, en 1866, il publie un livre, Generelle Morphologie der Organismen, dans lequel il développe sa théorie de la récapitulation. Cette théorie se peut s'énoncer à l'aide d'une phrase : « Lontogenèse résume la phylogenèse. » L'ontogenèse est la croissance d'un organisme jusqu'à sa forme mûre, la phylogenèse est l'histoire du processus évolutif des espèces. La récapitulation veut qu'au cours de l'ontogenèse, l'organisme passe par les stades de l'évolution en présentant des caractères de ses ancêtres.
Pour appuyer ses dires, Haeckel fait appel à ses talents de dessinateur. Il a dessiné des planches de comparaison d'embryons de différents espèces en montrant les ressemblances observées. De très jolies planches, très parlantes pour une visée de vulgarisation. Cependant, certains dessins d'observations sont tout simplement inventés. Ne disposant pas d'assez de matière, Haeckel a artificiellement accordé ses dessins avec sa théorie.
Nous sommes en présence d'une fraude scientifique par fabrication de données. Cette fraude sera démasquée par un autre chercheur, ennemi d'Haeckel, Wilhelm His, et reconnue comme telle par l'université d'Iéna en 1874. Pourtant, les planches de Haeckel se retrouvent aujourd'hui encore dans les manuels scolaires de certains pays.
C'est bien en cela que cette fraude est intéressante : reconnue très tôt, elle a été étouffée longtemps. C'est seulement en 1997 que Michael Richardson, un chercheur anglais a définitivement démontré la fraude d'Haeckel.
Cette persistance dans l'erreur peut s'expliquer par deux raisons. Tout dabord, la théorie de la récapitulation est actuellement et depuis les débuts de la génétique désuète. Ainsi, plus besoin de sappesantir sur des erreurs passées. Cela dit, si les planches d'Haeckel ont été utilisées dans un cadre scolaire c'est qu'il s'agissait d'un formidable outil de vulgarisation, qui emporte la conviction. Remettre en cause cet outil risquerait de donner des armes au créationnisme, théorie qui trouve davantage de défenseurs de nos jours.
Quand en 1997, Michael Richardson publie l'article, « There is no highly conserved embryonic stage in the vertebrates: implications for current theories of evolution and development », celui-ci a servi d'argument contre les évolutionnistes. Ce que Richardson a amèrement regretté.

La fin justifie-t-elle les moyens ?

Haeckel voulait que sa théorie soit un argument irréfutable contre le créationnisme. Un objectif pareil, justifiait de ne pas sencombrer de détails ni dobservations en nombre suffisant. Haeckel a donc pensé que la vérité scientifique, justifiait largement de falsifier des dessins dobservation. Cependant, les créationnistes eux aussi sont capables dobserver et de comparer des embryons. Ainsi, Haeckel non seulement n'a pas convaincu les créationnistes mais en plus leur a donné un argument, certes fallacieux, contre la théorie de lévolution.

La récupération de cette fraude par les négationnistes empêche d'accéder à une information neutre sur le sujet, en particulier sur internet. Les sources d'information françaises sont extrêmement laconiques sur le sujet. On peut citer un article du magazine Pour la Science de mai 1997 (no 247). Sinon la fraude est soit vaguement mentionnée, soit proprement ignorée.
Il faut donc se tourner vers les sources anglophones. On y voit deux types de sources. D'un côté, les informations neutres comme l'article de Michael Richardson ou encore un site faisant le point sur le débat entre évolutionnisme et créationnisme, talkorigins.org. D'un autre côté, il y a les articles créationnistes, très précis et très bien renseignés. Bien entendu, ils contiennent des jugements peu scientifiques et des points de vue définitifs et ils sont donc à lire avec prudence. On voit le magazine Creation ou encore le site antievolution.org.
Cette fraude, par ses relais, reflète le malaise que la science entretient vis-à-vis de l'erreur. Comment admettre qu'une théorie que l'on nous a prouvée soit fausse ? On constate aussi l'inertie de la culture scientifique d'une société.
Ici, la fraude a cristallisé un débat de société et est utilisé comme arme rhétorique : « Vous avez fraudé pour ces démonstrations, donc vous avez fraudé pour tout ». Or, les schémas ne concernaient pas directement la théorie de l'évolution mais celle de la récapitulation, certes dérivée de la première.

Ainsi, même lorsquune question scientifique devient un débat de société, les scientifiques doivent respecter la déontologie, d'autant que leurs résultats seront évalués de manière particulièrement critique.


SOURCES 
« Une fraude en embryologie », Pour la Science, mai 1998, no 247, p.10-12.
BRITAIN, Troy, « Haeckel's embryos », antievolution.org, 2001, <http://www.antievolution.org/topics/law/ar_hb2548/Haeckels_embryos.htm> (dernière consultation le 25 avril 2012).
GRIDD, Russel, « Fraud rediscovered », Creation, no 20, mars 1998, p. 49-51, <http://creation.com/fraud-rediscovered> (dernière consultation le 25 avril 2012).
MYERS, PZ, « Wells and Haeckel's Embryos », The TalkOrigins Archive, publié le 15 janvier 2004, <http://www.talkorigins.org/faqs/wells/haeckel.html> (dernière consultation le 25 avril 2012). 
RICHARDSON, Michael, « There is no highly conserved embryonic stage in the vertebrates: implications for current theories of evolution and development », Anatomy and Embryology, n196, 1997, p. 91106.

Arthur Di Fabio

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