L’Homme de Piltdown, ce nom n’évoque peut être pas grand chose aujourd’hui et pourtant… cet hominidé découvert au début du xxe siècle a bien failli remettre en cause de nombreuses découvertes sur l’origine de notre espèce.
La
miraculeuse découverte
En 1899, à Piltdown, Mr Charles
Dawson, avocat passionné de paléontologie et membre actif de la Geological
Society of London, découvre une carrière. Interrogeant des ouvriers
présents sur le site, il les prie de bien vouloir l’avertir si d’éventuels
ossements faisaient surface. Quelque temps après, un ouvrier lui apporte un
fragment d’os plat. Dawson reconnaît un morceau de crâne humain. Il entreprend alors
des fouilles qui durent trois ans.
Ce n’est qu’en 1912 qu’il fait appel à
un vieil ami, Arthur Smith Woodward, conservateur au British Museum, pour lui
parler de ses trouvailles. Dawson lui montre un crâne humain ainsi que quelques
fossiles de mammifères, comme la dent d’un éléphant. Selon la technique de
datation de l’époque, ces fossiles appartenant au même gisement seraient
contemporains. Ils réussissent à dater la dent d’éléphant d’il y a environ 500 000
ans. Par analogie, cela correspondrait également à l’âge du crâne.
En juin, un nouveau personnage entre en
scène : le jeune étudiant jésuite de Chardin. Celui-ci les rejoint dans
leurs recherches et ils découvrent les vestiges d’une moitié droite de
mâchoire. Cette mâchoire ressemble nettement à celle d’un singe. Néanmoins,
elle présente deux molaires à l’usure plate comme chez les humains. Il est donc
normal pour les trois hommes d’associer la mâchoire au crâne trouvé
précédemment.
Emballé par cette découverte, Smith Woodward
apporte tous ces fragments au British Museum et assemble le crâne en comblant
les éléments manquants avec de la pâte à modeler. Le nouveau visage de l’Homme
est alors gardé secret, jusqu’en décembre 1912 où il est présenté à la Geological
Society à Londres. Ayant stupéfait les plus grands savants anglais, l’Homme de
Piltdown est exposé au British Museum de
Londres en tant que « chaînon manquant » entre l’Homme et le singe.
La fierté
de l’Angleterre
Alors
que le peuple se réjouit, les savants se méfient : l’homme de Piltdown,
quelques mois après sa découverte, fait déjà débat. Son crâne semble nettement
plus évolué que celui de l’Homme de Néandertal. Pourtant, ce dernier est de 500
000 ans son cadet. Les anthropologues français et américains supposent que les
fossiles appartiennent à deux individus distincts. Néanmoins, la notoriété de
Woodward et de nouvelles trouvailles vont réussir à convaincre les sceptiques.
En 1913, Teilhard trouve sur le même site une nouvelle dent appartenant à la
mâchoire. En 1915, Dawson trouve un second crâne et une seconde mâchoire qu’il
réassemble et qualifie de deuxième Homme de Piltdown. Dawson décède un an plus
tard.
La fraude
démasquée
L’Homme de Piltdown demeure l’Homme le
plus vieux du monde jusqu’en 1924, période à laquelle l’Australopithèque est
exhumé en Afrique. Celui-ci, âgé de 4,4 millions d’années, est beaucoup
plus ancien que l’Homme de Piltdown. C’est principalement après la seconde
guerre mondiale que la notoriété de ce fossile est ébranlée. En effet, un
nouveau système de datation est découvert : la datation au fluor. Le
principe est que lorsqu’un élément repose dans un sol, celui-ci absorbe le
fluor des roches qui l’entourent. Ainsi, en mesurant la quantité de fluor de
plusieurs fossiles, il est possible de définir leur appartenance aux sols et
leur âge relatif.
C’est un dénommé Oakley (docteur en
paléontologie) qui soumet l’Homme de Piltdown à ce test en 1949. Il observe que
la dent d’éléphant trouvée à Piltdown et le crâne de l’Homme ne possèdent pas
le même taux de fluor et qu’ainsi ils ne peuvent pas être contemporains. Vu la
faible quantité de fluor que contient le crâne, celui-ci est âgé au plus de 40 000
années. Il est alors inconcevable d’imaginer que le lien entre l’Homme et le
singe ne remonte qu’à si peu de temps. L’Homme de Piltdown n’a plus sa place
dans l’évolution humaine.
Le
fossile posant de trop nombreux problèmes, le Dr Oakley fait appel à un
prestigieux anatomiste de l’époque et son assistant : le professeur Le
Gros Clarck et le docteur J.S Weigner. Les résultats de leur analyse chimique,
physique et anatomique sont accablants : le crâne et la mâchoire
n’appartiennent pas au même individu. Le crâne serait celui d’un Homme moderne
et la mâchoire celle d’un orang-outan. De plus, ce dernier aurait été teinté au
bicarbonate de potassium pour lui donner un aspect de fossile. Quant à la dent
d’éléphant qui a servi de repère temporel celle-ci est bien un
fossile ancien mais qui n’appartient pas au gisement de Piltdown. Elle provient
d’un terrain paléontologique connu de Malte.
A
la fin de l’année 1953, le bulletin géologique du British Museum annonce,
quarante ans après sa révélation au monde, que l’Homme de Piltdown n’est qu’une
vulgaire supercherie. Le coup de grâce est donné en 1959 avec l’arrivée de la
datation au Carbone 14 : le crâne appartient à un homme du Moyen-Age et la
mâchoire à un singe d’à peine 500 ans.
Qui est
l’auteur de la fraude ?
Il
s’agit donc bel et bien d’une fraude scientifique. On l’a même qualifiée de la
plus importante du xxe siècle. Mais qui en
est l’auteur ? Plusieurs grands noms de la Science ont été suspectés. Le
premier est Ruskin Butterfield, conservateur du musée d’Hasting (Sud de
Londres) qui a eu quelques litiges avec Dawson. Plusieurs années auparavant,
Dawson avait ramené de contrées lointaines un fossile d’Iguanodon qu’il avait refusé
de confier à Butterfield. Ce dernier aurait-il voulu se venger ? Passons
maintenant à Woodward, le compagnon de Dawson. Il a été intégralement innocenté,
du fait de sa notoriété et de sa réputation d’homme intègre.
La
thèse la plus probable est que Dawson a mis en place cette supercherie avec
l’aide de Teilhard de Chardin. Dawson était un homme qui voyageait très peu, il
lui était difficile de se procurer des fossiles tels que la dent d’éléphant de
Malte. Il se serait donc fait aider par Teilhard de Chardin qui, quant à lui, avait
voyagé en Egypte pendant sa jeunesse chez les Jésuites.
Ce
qui pousse à valider cette dernière hypothèse, c’est que Oakley a correspondu,
des années après la révélation de la fraude, avec Teilhard. Celui-ci a dit
avoir découvert le second Homme de Piltdown avec Dawson en 1913. Grave erreur :
souvenez-vous, le deuxième crâne a été découvert en 1915. Teilhard se trompe d’abord
sur la date. Surtout, il ne pouvait pas être présent en 1915 en Angleterre
puisqu’il était au front, en
France. Le mensonge de Teilhard de Chardin est ainsi considéré comme la preuve
de sa culpabilité.
La question qui reste en suspens est : pourquoi ?
Qu’est ce qui pousse deux hommes aux carrières accomplies à monter un tel
scénario ? Le besoin de reconnaissance ? La vanité ? L’excès de
chauvinisme ? Ou simplement l’envie de tester la crédulité du monde entier
?
BIBLIOGRAPHIE
DE PRACONTAL Michel, L’Imposture
scientifique en dix leçons, Seuil, 2005, leçon 5, p. 145-152.
DELUZARCHE
Céline, « L’homme de Piltdown », L’internaute, 2006, http://linternaute.com
(dernière consultation 21 avril 2012).
DEVILLIERS Charles,
« Interrogations sur un vieux problème : l'homme de Piltdown »,
archive du Comité français d’histoire de la géologie, 1990, http://annales.org (dernière
consultation le 21 avril 2012).
HERBERT Thomas, Le Mystère de
l’homme de Piltdown, édition Belin, 2002.
MARCIL
Claude, « L’homme de Piltdown : Adam était britannique », Sciencepresse, 2012, http://www.sciencepresse.org (dernière consultation le 21 avril 2012).
Chloé Pourtier
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