jeudi 3 mai 2012

Publish or Perish

Chaque année, des cas de fraude scientifique défraient la chronique, et ce alors que les publications scientifiques sont de plus en plus nombreuses. La fraude est-elle un effet de la compétition entre chercheurs ?

Phillippe Even, du Nouvel Observateur, affirme : « Les crédits, les diplômes et les carrières dépendent [du nombre de publications] partout, dans notre système français plus encore qu’ailleurs.» La publication est donc le Graal à atteindre coûte que coûte, ce qui mène à des comportements contre-productifs d’un point de vue scientifique : « Quand on n’a rien à publier, on publie quand même, » affirme Philippe Even. Pour maintenir leur laboratoire, les scientifiques essaient de se démarquer en publiant massivement. Ce principe du « publish or perish » (publier ou périr) est un impératif bibliométrique infernal. Les chercheurs se voient obligés de maintenir une cadence de publication incompatible avec un travail honnête. Brûler certaines étapes dans un travail de recherche permet dès lors d’accélérer le rythme. Annoncer des résultats spectaculaires sans en vérifier longuement et patiemment la véracité est devenu chose commune. On assiste donc autant à des cas de fraudes avérées qu’à de « simples » erreurs dues à la précipitation.

Pourtant les résultats sont sans cesse soumis à l’avis de la communauté scientifique. Avant toute publication, les travaux sont analysés, en ce qui concerne les méthodes employées, le raisonnement et ce qui fonde la conclusion. Quand des résultats permettent de faire avancer la recherche de manière importante, ils sont bien souvent testés par d’autres laboratoires. S’ils ne parviennent pas à obtenir les mêmes conclusions, une enquête peut être ouverte. C’est ce qui est arrivé au professeur Woo Suk Hwang pour ses recherches sur le clonage humain.

Le plagiat chronique est une autre conséquence de ce système, comme ce fut le cas pour l’affaire Lemaître–Hubble. Cette pratique est de plus en plus répandue dans les universités. Soumis à la pression de publication, certains enseignants chercheurs plagient pour satisfaire à la cadence exigée par les universités.  Et ce ne sont pas les seuls à commettre cette faute. Les jeunes chercheurs, aspirant à une ascension rapide, sont de plus en plus tentés par le plagiat, le trucage ou la publication de résultats miracles. 

Aujourd’hui, la France ne possède pas d’instance nationale permettant de prévenir et de contrôler les cas de fraude. Cependant, une enquête est actuellement menée par le CNRS pour évaluer l’intégrité scientifique des laboratoires français et pour proposer des solutions.

Par Marion Fras et Antoine Gautier


Bibliographie

BONNEAU Cécile, « Quand les scientifiques trichent », Science et Vie, novembre 2008, p. 56-69.

DUMAS Cécile, « La prime à la publication et la tentation de la fraude », Sciences et Avenir, 20 juin 2006,

MATOUK Jean, « Le plagiat, une maladie dont l'université doit se débarrasser », Chez Jean Matouk, Rue 89, 11 février 2011

MCGRAILA Matthew, RICKARDB Claire et JONESA Rebecca, « Publish or perish: a systematic review of interventions to increase academic publication rates”, Higher Education Research & Development, 6 octobre 2006
http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07294360500453053 (dernière consultation le 28 mars 2012).

Interview de Philippe Even, « Faire taire les grandes écoles », Le Nouvel Observateur, 7 décembre 2012
(dernière consultation le 5 avril 2012).

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