Tout souriait au professeur Woo Suk Hwang. Il était connu pour le premier clonage réussi d’un chien, nommé Snoopy. En novembre 2005, le voici soupçonné de fraudes et de pratiques douteuses.
Woo Suk Hwang et son équipe s’imposent grâce
à leurs travaux sur le clonage humain en 2005. Ils étaient déjà les premiers à
avoir réussi à cloner un chien, nommé Snoopy, après 123 tentatives. En février
2004, Hwang Woo-Suk, professeur au département de thériogénologie et de
biotechnologie de l’université nationale de Séoul, annonce dans la prestigieuse
revue américaine Science une prouesse
exceptionnelle : il prétend avoir réussi à obtenir une lignée de cellules
souches embryonnaires humaines à partir de cellules somatiques par clonage. La
recette du professeur sud-coréen ? Simple. Il prélève les cellules du
cumulus. Habituellement, le noyau de la cellule à cloner est aspiré avec une
micropipette. Les chercheurs sud-coréens ont préféré énucléer en forant un trou
dans la paroi cellulaire. Délicatement, ils ont pressé la cellule pour en
expulser le noyau qui est sorti moins traumatisé. Le noyau de la cellule à
cloner a été ensuite transféré dans l’ovule, cette dernière étape étant la plus
complexe.
Cette prouesse technique annonce une nouvelle
ère dans le monde de la science. Prenons l’exemple de la maladie d’Azheimer,
pour laquelle il n’existe actuellement aucun traitement, sauf une greffe, qui a
peu de chance de succès. La seule solution serait de transplanter aux malades des
cellules souches embryonnaires, clonées
à partir de leurs propres cellules. Ces clones ont la capacité de se
différencier en tout type de cellules du corps humain. Aucun risque de rejet
puisque ces cellules possèdent le même code génétique que les cellules
« mères ». Elles se ressemblent « comme deux gouttes
d’eau. »
En mai 2004, une chercheuse de l’équipe de
Hwang annonce dans la revue britannique Nature,
qu’elle a été obligée de donner ses propres ovocytes. Il est vrai que les
expériences consomment de nombreux ovules qui doivent être fraîchement prélevés
pour garantir la réussite du clonage. Mais les comités d’éthique voient cette
pratique d’un mauvais œil.
Le 20 mai 2005, le professeur Hwang publie le
résultat, photos à l’appui, de onze
lignées de cellules souches dérivées de onze embryons obtenus par clonage.
L’article, paru dans Science, est
cosigné par Gerald Schatten, chercheur de l’université de Pittsburg et spécialiste
en clonage de singes. Hwang Woo-Suk devient le héros national de son pays et il
est pressenti pour le prix Nobel.
Le 13 novembre 2005, Gerald Schatten accuse
pourtant le professeur Hwang d’avoir manqué à l’éthique. Il lui reproche
d’avoir menti quant à l’origine des ovocytes, provenant soi-disant de femmes
bénévoles non rémunérées et informées des modalités de l’expérience et de son
objectif. Le responsable de l’hôpital Mizmidi à Séoul, Dr Roh Sing-il,
reconnaît avoir versé une somme de 1500 $US à chaque donneuse. Après avoir
longtemps démenti, le professeur Hwang démissionne de ses fonctions. Ce n’est
pas l’achat d’ovocytes qui lui est reproché, même si ce type de commerce a été
interdit peu de temps après en Corée du Sud. La communauté scientifique
internationale le critique pour son manque de sincérité. Et la descente aux
enfers ne fait que commencer pour le héros national.
Lors d’une conférence de presse le 4 décembre
2005, celui-ci avoue, sous la pression de l'Etat, que les photos publiées
quelques mois plus tôt, supposées illustrer les onze lignées embryonnaires,
sont falsifiées. Tous ces éléments douteux poussent le gouvernement à ouvrir
une enquête. Neuf chercheurs sud-coréens sont engagés pour éclaircir l’affaire.
Ils découvrent que les lignées n’ont jamais été obtenues. En réalité, sur les
onze produites, six ont été endommagées à la suite d’une contamination par des
mycoplasmes. Ces bactéries demeurent aujourd’hui la hantise des chercheurs
œuvrant dans ce domaine. Hwang Woo-Suk s’est vu obligé de retirer l’ensemble
des articles publiés dans Science
concernant cette affaire. Aujourd’hui, le professeur est destitué de ses
fonctions. Sa carrière est brisée.
Cette fraude a fait débat au sein de la
communauté scientifique. Si certains jugent que cette escroquerie n’a fait
qu’assombrir l’image des recherches sur le clonage humain, d’autres préfèrent
soutenir le professeur sud-coréen. Ces savants n’excluent pas, en effet, la
possible réussite de l’obtention de quelques cellules souches embryonnaires par
clonage.
Commentaires
En
réunissant un certain nombre d’articles sur la fraude commise par le Pr. Hwang,
nous constatons rapidement que seul le professeur est incriminé. Or, nous
pourrions remettre en cause le circuit de validation des résultats obtenus par
les chercheurs. En à peine une année, Woo-Suk Hwang publie deux articles concernant
ses recherches sur l’obtention de onze lignées embryonnaires dans la célèbre
revue scientifique américaine Science,
de renommée internationale. Avant d’être accepté, l’article est soumis à une
évaluation et lu par un comité scientifique. Les membres vérifient le respect
des règles d’éthique, la qualité des manipulations, la fiabilité des résultats…
Or, depuis la naissance de la brebis Dolly, le clonage humain défraie la
chronique. La question préoccupe, inquiète et effraie. Il est donc naturel de
se demander comment les fraudes du Pr Hwang n’ont été révélées que tardivement,
d'autant que la question du clonage est sensible. L’escroquerie du chercheur
sud-coréen révèle donc bien des dysfonctionnements dans le système validation.
Par Marion Fras
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